Les inondations à Lyon : histoire, risques et prévention

Clément V
18 Minutes de lecture

Située au confluent du Rhône et de la Saône, Lyon est une ville qui a toujours entretenu une relation particulière avec l’eau. Si ces deux fleuves ont contribué à la prospérité économique de la cité rhodanienne, ils représentent également une menace récurrente. Les inondations à Lyon font partie de l’histoire de la ville et continuent d’être un enjeu majeur pour ses habitants et ses autorités. Plongeons ensemble dans ce phénomène qui a façonné l’urbanisme lyonnais et qui reste d’actualité face aux défis du changement climatique.

Histoire des inondations lyonnaises : un passé marqué par l’eau

L’histoire de Lyon est indissociable de celle de ses inondations. Au fil des siècles, la ville a connu de nombreux épisodes de crues qui ont profondément marqué son développement urbain et la mémoire collective de ses habitants.

La crue historique de 1856 : quand Lyon se retrouvait sous les eaux

Si on devait retenir un seul événement dans l’histoire des inondations à Lyon, ce serait sans conteste la crue catastrophique de 1856. Dans la nuit du 29 au 30 mai, le Rhône est sorti violemment de son lit après que la digue de la Tête d’Or, située en amont de la ville, ait cédé brusquement. Cette rupture a libéré une puissante vague qui a submergé la partie basse de Lyon. Les quartiers des Brotteaux, de la Guillotière et des Charpennes ont été particulièrement touchés, restant sous les eaux pendant plusieurs jours. D’après les archives municipales de Lyon, cette inondation a affecté plus de 18 000 habitants et endommagé près de 5 000 bâtiments. Les dégâts ont été estimés à plus de 25 millions de francs de l’époque, une somme colossale qui équivaudrait aujourd’hui à plusieurs centaines de millions d’euros. Suite à cette catastrophe, d’importants travaux ont été déclarés d’utilité publique dès le 24 août 1856, marquant le début d’une nouvelle approche en matière de protection contre les crues.

Les autres épisodes marquants au fil du temps

  • L’inondation de 1840 avait déjà causé d’importants dégâts avant celle de 1856
  • En mars 2001, la crue de la Saône a entraîné la coupure de routes départementales et l’inondation de 565 foyers dont 14 ont dû être évacués
  • En décembre 2003, un événement pluvieux a affecté l’ensemble du bassin du Rhône avec des conséquences particulièrement importantes : autoroute A7 coupée et effondrement d’un pont sur le Gier à Givors
  • Les 1er et 2 novembre 2008, des crues importantes ont touché les secteurs du Gier, des rivières du Beaujolais et surtout la Brévenne, conduisant à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour 111 communes
  • Plus récemment, en octobre 2023, la région lyonnaise a été touchée par des crues soudaines, provoquant notamment des perturbations dans la zone commerciale de Givors

Ces événements répétés à travers l’histoire nous rappellent que le risque d’inondation est une réalité persistante pour Lyon. Mais où exactement ce risque est-il le plus présent dans l’agglomération lyonnaise ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

Où se situent les zones à risque d’inondations à Lyon ?

La géographie de Lyon, avec ses deux fleuves et sa topographie variée, crée une exposition inégale au risque d’inondation. Certains secteurs de l’agglomération sont particulièrement vulnérables en raison de leur proximité avec les cours d’eau ou de leur situation en contrebas. Selon le Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) du Grand Lyon, 28 communes réparties en 4 secteurs sont concernées par ce risque : Saône-amont, Saône, Rhône-aval, et Lyon-Villeurbanne. Ce document réglementaire, élaboré par les services de l’État, cartographie précisément les zones exposées et définit les mesures à prendre pour réduire la vulnérabilité.

Les quartiers historiquement vulnérables

Certains quartiers de Lyon sont particulièrement exposés aux inondations en raison de leur situation géographique. La rive gauche du Rhône, depuis la Tête d’Or jusqu’à la Mouche, a été historiquement la plus touchée lors des grandes crues. Les quartiers des Brotteaux et de la Guillotière, construits sur d’anciennes zones marécageuses, présentent toujours une certaine vulnérabilité malgré les aménagements réalisés. De même, les communes situées à l’aval des bassins versants comme Givors (à la confluence du Gier et du Garon) ou Oullins (à l’aval du bassin versant de l’Yzeron) font face à des risques accrus. Les données de la préfecture du Rhône indiquent que plus de 200 000 personnes vivent aujourd’hui dans des zones potentiellement inondables au sein de l’agglomération lyonnaise, soit environ 15% de la population totale du Grand Lyon.

Les nouveaux territoires à surveiller

L’urbanisation croissante et le changement climatique ont fait émerger de nouvelles zones à risque. L’imperméabilisation des sols liée au développement urbain a modifié les écoulements naturels et créé de nouveaux points de vulnérabilité. Par exemple, certains secteurs de Villeurbanne, Vaulx-en-Velin ou Saint-Fons qui n’étaient pas considérés comme particulièrement exposés par le passé font désormais l’objet d’une surveillance accrue. Les études hydrologiques récentes montrent que ces zones pourraient être affectées par des phénomènes de ruissellement urbain ou de remontée de nappe phréatique. Selon Météo-France, l’intensité des précipitations dans la région lyonnaise a augmenté de près de 7% au cours des trente dernières années, accentuant encore la pression sur ces territoires fragiles.

Le cas particulier des remontées de nappes

Au-delà des débordements de cours d’eau, Lyon est également confrontée au phénomène de remontée de nappes phréatiques. Lorsque le sol est saturé d’eau, il arrive que la nappe affleure et qu’une inondation spontanée se produise. Ce phénomène concerne particulièrement les terrains bas ou mal drainés et peut perdurer dans le temps. Les quartiers de la Confluence, de Gerland ou de la Part-Dieu sont parfois touchés par ce type d’inondation, moins spectaculaire mais tout aussi problématique pour les infrastructures souterraines et les fondations des bâtiments.

Maintenant que nous avons identifié les zones à risque, il est important de comprendre quand ces inondations sont susceptibles de se produire. Les périodes de l’année ne sont pas toutes égales face à ce risque.

Quand surviennent les inondations à Lyon ?

Les inondations à Lyon ne se produisent pas de façon aléatoire dans le temps. Certaines périodes de l’année sont plus propices aux crues des fleuves ou aux phénomènes de ruissellement intense. Comprendre cette saisonnalité est essentiel pour améliorer la prévention et la gestion des risques.

Les périodes à haut risque au fil des saisons

Historiquement, les grandes crues du Rhône et de la Saône se sont majoritairement produites entre novembre et mars. Cette période hivernale concentre environ 75% des événements d’inondation majeurs recensés depuis deux siècles. Plusieurs facteurs expliquent cette concentration saisonnière : la fonte des neiges alpines qui alimente le Rhône, les précipitations plus abondantes en hiver, et la saturation progressive des sols qui limite l’infiltration des eaux. La crue historique de 1856 s’est produite fin mai, ce qui était relativement tardif, mais s’expliquait par un hiver particulièrement neigeux suivi d’un réchauffement brutal. Les données de Vigicrues montrent que le Rhône dépasse son seuil de vigilance en moyenne 12 jours par an, principalement entre décembre et février. La Saône, quant à elle, connaît des crues plus lentes mais souvent plus durables, pouvant s’étaler sur plusieurs semaines comme ce fut le cas en 2001 où l’inondation a persisté près d’un mois dans certains secteurs.

L’émergence de nouveaux schémas liés au changement climatique

Si la saisonnalité traditionnelle reste globalement observable, les scientifiques constatent une évolution des patterns d’inondation en lien avec le changement climatique. Les épisodes méditerranéens, caractérisés par des précipitations intenses et localisées, deviennent plus fréquents et peuvent désormais affecter la région lyonnaise. Ces phénomènes, autrefois limités aux départements plus méridionaux, remontent progressivement vers le nord. L’épisode des 1er et 2 novembre 2008, qui a touché l’ouest du département, a été qualifié de « cévenol » par les météorologues, illustrant cette évolution. Selon les projections climatiques de Météo-France, la fréquence de ces épisodes intenses pourrait augmenter de 20 à 30% d’ici 2050 dans la région lyonnaise. Par ailleurs, la répartition des précipitations tout au long de l’année tend à se modifier, avec des étés marqués par des orages plus violents mais plus localisés, comme celui du 13 juin 2010 qui a provoqué une coulée de boue dévastatrice à Givors.

Après avoir vu où et quand se produisent les inondations, intéressons-nous maintenant à leurs mécanismes et aux moyens mis en œuvre pour s’en protéger.

Comment se produisent les inondations à Lyon et comment s’en protéger ?

Les inondations à Lyon résultent de différents mécanismes hydrologiques, chacun nécessitant des approches de prévention spécifiques. Comprendre ces phénomènes est essentiel pour mettre en place des stratégies de protection efficaces et adaptées.

Les différents types d’inondations et leurs mécanismes

L’agglomération lyonnaise peut être touchée par quatre types principaux d’inondations, chacun avec ses caractéristiques propres :

  • Les inondations de plaine : Lorsque le Rhône ou la Saône sort lentement de son lit mineur et peut inonder la plaine pendant une période relativement longue. Ces crues sont généralement prévisibles plusieurs jours à l’avance.
  • Les crues rapides de rivières : Concernent les affluents plus modestes comme l’Yzeron, le Garon ou l’Azergues. Le temps de montée des eaux est inférieur à 12 heures, laissant peu de temps à l’alerte et à l’évacuation.
  • Le ruissellement pluvial : L’imperméabilisation des sols par les aménagements urbains limite l’infiltration des précipitations et accentue le ruissellement. Ce phénomène est particulièrement problématique dans les zones fortement urbanisées.
  • Les remontées de nappe phréatique : Lorsque le sol est saturé d’eau, la nappe peut affleurer et provoquer une inondation spontanée, notamment dans les terrains bas ou mal drainés.

Pour faire face à ces différents risques, les autorités ont développé au fil du temps une stratégie globale de prévention et de protection.

Les mesures de prévention et de protection mises en œuvre

Depuis la catastrophique crue de 1856, Lyon a considérablement renforcé ses dispositifs de protection contre les inondations. Ces mesures s’articulent autour de plusieurs axes complémentaires :

  • Les ouvrages de protection : Plus de 30 km de quais ont été construits suite aux inondations de 1856, et la grande digue de la Tête d’Or a été renforcée. Ces aménagements ont montré leur efficacité lors des crues ultérieures.
  • Les systèmes de surveillance et d’alerte : Le réseau Vigicrues permet aujourd’hui de suivre en temps réel l’évolution des niveaux des fleuves. Plus de 60 stations de mesure sont réparties dans l’agglomération lyonnaise et transmettent des données toutes les 10 minutes.
  • L’aménagement du territoire : Le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) réglemente strictement la construction dans les zones à risque. Il interdit toute nouvelle construction dans les zones d’aléa fort et impose des prescriptions spécifiques ailleurs.
  • La gestion des eaux pluviales : La Métropole de Lyon a investi plus de 300 millions d’euros depuis 2010 dans des bassins de rétention et des systèmes alternatifs comme les noues paysagères ou les toitures végétalisées.
  • L’information et la sensibilisation : Des campagnes d’information sont régulièrement menées pour sensibiliser la population. Le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) est distribué à tous les habitants des zones concernées.

Ces efforts combinés ont permis de réduire significativement la vulnérabilité de Lyon face aux inondations, mais le risque zéro n’existe pas. Il reste important de comprendre pourquoi ce phénomène continue de représenter un enjeu majeur pour la ville.

Pourquoi les inondations restent-elles un risque majeur à Lyon ?

Malgré les progrès considérables réalisés en matière de prévention et de protection, les inondations à Lyon demeurent un risque majeur qui ne peut être totalement éliminé. Plusieurs facteurs expliquent cette persistance du risque et son évolution dans le contexte actuel.

Les facteurs aggravants dans un contexte changeant

Plusieurs tendances contribuent à maintenir, voire à accentuer, la vulnérabilité de Lyon face aux inondations :

  • Le changement climatique : Les études scientifiques prévoient une augmentation de 15 à 20% de l’intensité des précipitations extrêmes d’ici 2050 dans la région lyonnaise. Ce phénomène pourrait accroître la fréquence et l’intensité des crues, particulièrement celles liées aux orages d’été.
  • L’urbanisation croissante : Malgré les réglementations, la pression démographique conduit à une densification urbaine qui augmente l’imperméabilisation des sols. Entre 2000 et 2020, la surface imperméabilisée dans la métropole a augmenté de plus de 12%, réduisant d’autant la capacité d’absorption naturelle des sols.
  • Le vieillissement des infrastructures : Certains ouvrages de protection, comme les digues ou les réseaux d’assainissement, datent du XIXe siècle et nécessitent une surveillance et un entretien constants. Le coût de renouvellement de ces infrastructures est estimé à plusieurs milliards d’euros.
  • La mémoire du risque : L’absence d’inondation majeure depuis plusieurs décennies a tendance à faire oublier le risque aux habitants, réduisant leur vigilance et leur préparation face à un événement potentiel.

Vers une approche plus résiliente face au risque

Face à ces défis, les autorités locales et les experts développent une approche plus intégrée et résiliente de la gestion du risque d’inondation. Cette nouvelle stratégie repose sur plusieurs principes :

  • L’acceptation du risque : Plutôt que de chercher à l’éliminer complètement (ce qui serait illusoire), il s’agit de l’intégrer dans l’aménagement urbain et les pratiques quotidiennes.
  • Les solutions fondées sur la nature : La restauration des zones humides, la désimperméabilisation de certains espaces urbains ou la création de parcs inondables permettent de mieux absorber les excès d’eau tout en améliorant le cadre de vie.
  • La culture du risque : Des initiatives comme les repères de crues, les exercices de simulation ou les applications d’alerte contribuent à maintenir la conscience du risque dans la population.
  • L’adaptation du bâti : Dans les zones exposées, de nouvelles techniques de construction permettent de rendre les bâtiments plus résistants aux inondations, comme les rez-de-chaussée sur pilotis ou les matériaux hydrofuges.

Les inondations à Lyon font partie de l’histoire et de l’identité de la ville. Si elles représentent un risque qu’il faut prendre au sérieux, elles ont aussi contribué à façonner le paysage urbain et les pratiques d’aménagement. Aujourd’hui, la gestion de ce risque s’inscrit dans une démarche plus large d’adaptation au changement climatique et de développement durable.

En restant informé sur les risques d’inondations à Lyon, chacun peut contribuer à la résilience collective face à ce phénomène naturel. Les sites web de la préfecture du Rhône, de Météo-France et de la plateforme Géorisques constituent des sources d’information fiables pour suivre l’évolution de la situation et connaître les bons comportements à adopter en cas d’alerte. N’oublions pas que la meilleure protection reste la prévention et la préparation.

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